Le meilleur de soi

L’approche par les talents est pour moi la seule voie efficace pour assurer sa réussite et son bonheur dans la vie et au travail. Chacun a en lui des ressources et des talents qui ne demandent qu’à se manifester. Dans une interview accordée au magazine Psychologies avec le psychanalyste Guy Corneau, ce dernier explore avec la journaliste les pistes pour libérer ces forces créatrices. J’ai trouvé ces passages tellement percutants que je n’ai pu m’empêcher de vous retransmettre le contenu issu du dossier intitulé « Trouver le meilleur de soi » du magazine Psychologies de juillet 2009.
Ce qui m’amène à vous en faire part, c’est avant tout ma conviction que je ne cesserai de répéter qu’il faut avant tout identifier ses talents naturels, son génie comme j’aime l’appeler, pour s’appuyer dessus et par la suite déployer tout son potentiel de développement. Et comme le confirme Guy Corneau, nous trouvons nos talents dans ce que nous aimons faire, dans les activités où nous prenons du plaisir. Dans ce qui nous fait vibrer, lorsque nous sommes dans le flow. C’est à cette seule condition que vous rentrerez dans le cercle vertueux qui vous emmènera petit à petit vers votre réussite personnelle, celle de votre accomplissement socioprofessionnel.
Voici l’essentiel du dossier à lire et à relire. Guy Corneau nous explique pourquoi nous nous éloignons tous de notre génie, notre « meilleur de soi » puis comment se reconnecter avec lui. C’est clair, limpide et beaucoup de sagesse en quelques paragraphes. Lisez jusqu’au bout !
Au printemps dernier, le psychanalyste québécois donnait quelques conférences sur un thème nouveau : « le meilleur de soi ». Seul sur une chaise, le micro en main, il a parlé pendant plus de deux heures des « forces vives » que chacun porte en lui mais a parfois du mal à laisser s’exprimer. « C’est ce qui peut nous aider à sortir de la prison », expliquait-il. Talents, qualités, compétences et intuitions…
Autant d’atouts que nous sommes nombreux à avoir senti vibrer au fond de nous (souvent au moment de l’adolescence), mais que nous délaissons sous le coup des contraintes matérielles, familiales, professionnelles. Ce trésor intérieur, véritable ferment de notre créativité et de notre singularité, le psychanalyste nous invite à ne pas l’abandonner, mais au contraire à le faire fructifier. « Je suis conscient qu’aller vers l’expression de soi demande un certain courage », reconnaît-il. Mais si cette lutte pour libérer le meilleur de soi débouche, comme il l’assure, sur des vies qui nous ressemblent vraiment, nos efforts seront pleinement justifiés. Nous le valons bien, non ?
Psychologies : Nous vivons dans un monde qui nous invite à toujours faire mieux, à être plus… Est-ce que vos recherches sur « le meilleur de soi » s’inscrivent dans ce courant ?
Guy Corneau : En général, nous n’avons pas une idée très claire de ce que signifie « le meilleur de soi ». Nous avons tendance à l’associer aux notions de performance, de compétition, comme dans l’expression « vouloir être le meilleur ». Mais c’est alors le pire de nous-mêmes dont nous parlons. Pour moi, le meilleur de nous, c’est l’essence créatrice de notre être profond. Cet élan créateur qui nous pousse à avancer depuis toujours – depuis notre naissance – et qui cherche à s’exprimer à travers nos talents, nos habiletés. Chez beaucoup, cette puissance créatrice est inhibée, et il s’est créé un écart entre soi et son être profond.
Cet « écart entre soi et soi » est-il plus fort aujourd’hui ?
On est de plus en plus sollicités. On a de moins en moins de temps pour respirer, ou flâner, ou juste être. Or, je pense que pour toucher le meilleur de soi, il faut déjà se donner du temps pour rêver. Des pauses où l’imagination peut se mettre en marche et nous permettre de nous voir autrement. Pas dans un sens de performance, pour être le « meilleur », mais dans le sens d’être au plus près de soi, de se sentir mieux et de sentir mieux ce qui cherche à se déployer en nous.
Je me souviens de cet homme dans un groupe, tombé en pleurs à la fin d’un exercice. Plus tard, il m’avait confié : « Je suis si content d’avoir éprouvé un sentiment ! Ça fait vingt ans que je suis bon mari, bon travailleur, bon père, mais j’ai perdu le contact avec moi. » Beaucoup d’hommes se reconnaissent dans cette histoire. Ils ont appris à « performer » dans la société, à mesurer leur valeur en termes d’argent, de résidence secondaire, de nouvelles technologies, etc.
Mais ils ne rencontrent que le vide à l’intérieur d’eux. Lorsqu’on est ainsi coupé du plus profond de soi, on peut tenir en grappillant quelques moments de plaisir. Mais est-ce que ce sont des plaisirs qui durent, qui indiquent ma joie profonde d’exister, ou est-ce que je dois sans cesse renouveler ma dose d’alcool, de shopping, de travail pour rester à la surface ?
Si j’ai besoin d’en rajouter tout le temps pour pouvoir sentir davantage et me stimuler, c’est qu’en fait je me sens vide intérieurement. Parce que j’ai rompu avec la puissance intérieure de mon être.
Pourquoi nous coupons-nous de ce meilleur de nous ?
Par peur de ne pas exister. Une peur fondamentale qui nous pousse à rechercher avec angoisse la reconnaissance des autres. Cette peur de ne pas exister, une des plus archaïques chez l’être humain, se manifeste notamment dans les grands passages de notre existence.
A commencer par la naissance, pour laquelle il a été démontré qu’elle impliquait un traumatisme émotionnel important pour le bébé. Choc de la séparation d’avec la mère, passage du milieu aquatique au milieu aérien… Alors, le petit être qui arrive lutte en cherchant à s’accrocher au regard de la mère, à sa présence.
Dès notre venue au monde, nous sommes pris par l’intense besoin de reconnaissance des autres. Celui-ci s’exprime aussi à chacune de nos ruptures, de nos échecs, ou au sujet de la mort, quand l’être se demande : « Qu’est-ce que je vais devenir après ? »
Le regard des autres ne nous aide-t-il pas à grandir toute notre vie ?
Si, bien sûr, car nous sommes des êtres sociaux. Mais il y a comme un déplacement de ce mouvement instinctif de l’être. Au début, notre besoin essentiel de reconnaissance, c’est le besoin que notre potentiel soit reconnu et qu’il puisse se déployer dans la confiance de cette reconnaissance.
Mais, suite aux différentes « contractions », aux chocs que la vie nous envoie et qui réactivent notre peur de ne pas exister, nous allons commencer, pour plaire aux autres, à faire des choses qui ne sont pas exactement liées à notre être profond. Et nous chercherons à être reconnus à travers elles. Et c’est là que l’écart s’installe.
Par exemple, si je suis né dans une famille où il y avait beaucoup de froideur, j’ai pu devenir quelqu’un de très conciliant pour tenter de rendre heureux mes proches. C’est peut-être même devenu une qualité primordiale chez moi. Mais en réalité, je me suis éloigné de ma puissance créatrice qui, elle, me poussait vers plus d’affirmation de moi. Peu à peu, je suis de plus en plus déchiré entre une voie, celle de mon déploiement, et une autre, plus contractée, qui est celle de ma soumission à des peurs et à des attentes de mon environnement.
C’est le cercle vicieux : je me sens de plus en plus oppressé, donc je fais de plus en plus d’efforts pour obtenir la reconnaissance des autres et sentir que j’existe, afin de m’estimer un peu plus… Et là, un piège se referme : même si des millions de gens m’estiment, si moi je ne m’estime pas, le problème est toujours là. Un être ne peut s’estimer que s’il est en train de développer son potentiel. C’est là le vrai fondement de l’estime de soi.
Je pense que nous avons tous un potentiel créateur important. Cette essence créatrice, c’est notre individualité profonde. C’est ce qui fait que l’on va apporter, comme disait Saint-Exupéry, « notre pierre », notre touche personnelle dans le monde. Il y a ceux qui savent construire des maisons, il y a des accompagnateurs, des guérisseurs, des enseignants, des artistes…
Dans une société, on a besoin de tous et je me dis que chacun vient avec son parfum, sa couleur, avec lesquels il va embellir le monde. C’est d’ailleurs en déployant ce parfum, cette teinte que la personne rencontre le bonheur, la joie d’exister.
Faut-il pour cela être artiste ?
Absolument pas ! D’ailleurs, à partir du moment où j’attends un résultat donné par lequel je vais mesurer ma valeur, je suis dans le problème. Rien n’empêche de pratiquer une forme d’expression créatrice pour éprouver du plaisir.
Mais sans nécessairement se dire : « Il faut que je sois un artiste pour être heureux » – le syndrome « j’aurais voulu être un artiste ». Moi, par exemple, j’aime chanter et jouer de la guitare, mais je suis loin de l’Olympia !
Simplement, ce plaisir-là est important pour moi. Je n’en attends pas un résultat, mais je sais que, si je fais de la musique vingt minutes le matin, ma journée sera pleine, remplie de bien d’autres choses, parce moi-même je serai plus « chantonnant », mieux dans mes pompes, plus en contact avec ma puissance créatrice.
Ce qui stimule le meilleur de soi, ce serait donc le plaisir ?
Oui, c’est la maîtrise progressive de quelque chose qui nous fait vibrer. Il y en a qui sont bons avec le bois, d’autres avec les mains, avec l’électronique… Ce plaisir de progresser dans ce que l’on aime vraiment est plus important pour l’estime de soi qu’exercer un métier socialement reconnu, mais qui ne fait pas vibrer. C’est là qu’est le problème : beaucoup de gens sont incapables de reconnaître qu’ils sont sur une voie de garage par rapport à leurs goûts profonds.
Oui, on n’est pas fait pour s’ennuyer dans son couple, au travail… La vie, ce n’est pas ça. Regardez les enfants : ils ne voient pas le temps passer, ils vont d’une rafale créatrice à une autre, ils n’ont pas besoin de les inventer. Un ennui récurrent, c’est le signe que je dois trouver une façon de restimuler ma vie et de m’animer différemment. Car, ce dont nous parlons avec « le meilleur de soi », c’est aussi de vitalité.
Lorsque l’on a trouvé son « truc », on est tellement dedans que l’on a soudain moins besoin d’heures de sommeil, on a davantage d’énergie. L’essence créatrice, c’est d’abord une sensation : je me sens dans mon monde, dans ma force, porté dans mon enthousiasme, je me sens une ferveur, une passion. Ça devrait être notre façon naturelle de vivre.
Comment se reconnecter à ça ?
Lorsque l’on a perdu le contact avec ses talents, avec ses dons, il faut vraiment se permettre des longs temps de repos, de rêveries, où l’on va pouvoir se demander : « Qu’est-ce qui me fait vibrer ? Qu’est-ce qui me donne goût de vivre ? »
Peu importe le résultat, peu importe ce que les autres en pensent… Des réponses d’abord très générales, très vagues vont alors monter en soi : « Ce qui me plaît, c’est le bois, la pierre, le plein air… »
Trop souvent, on veut tout de suite concrétiser, or c’est une erreur. Il faut d’abord que je rêve longtemps. Que je rêve éveillé à ce qui me plairait. Je mets de la musique, je prends un bon verre de vin et je me dis : « Tiens, si je me laissais aller, que je lâchais tout, il n’y a plus de limites, dans quelle direction aimerais-je aller ? »
Cela revient à élargir sa vision de soi ?
Oui, et à envisager mille pistes insoupçonnées. Si quelqu’un se dit : « J’aime l’enseignement », en réalité, il y a d’innombrables façons d’enseigner. On peut être enseignant dans une école, mais on peut aussi donner des conférences, des formations pour adultes, écrire des livres, apprendre le jardinage à ses petits-enfants…
Avant de se dire : « Je veux être ceci », il est très important de se demander : « Qu’est-ce qui m’attire ? Que font les gens que j’admire ? Qu’est-ce qui me faisait vibrer quand j’étais ado ? » Après avoir écouté les mille intuitions qui montent en moi, tranquillement, je pourrais me laisser aller à concrétiser.
En me demandant d’abord : « Quel va être mon premier pas ? » Mieux vaut commencer par des petites concrétisations, sans bouleverser sa vie au grand complet. Ma proposition, c’est de se dire, avant d’être dans une trop grande souffrance : « Tiens, je vais faire un peu de musique, je vais me remettre au vélo, je vais me faire coacher pour créer ma propre entreprise… Je vais faire un premier pas. »
La progression est essentielle dans ce déploiement de la créativité. Car si j’avais la sensation d’être passé à côté de moi-même, un trop grand changement risque d’amener une autre peur, la peur d’échouer, et je risque d’être ramené à ma stagnation du départ. Mieux vaut donc y aller progressivement. Ce n’est pas la façon magique, c’est la façon lente qui va apporter une joie très profonde.
C’est la garantie du bonheur ?
Il n’y a jamais aucune garantie de rien. Ce que je sais, c’est que nous sommes là pour éprouver du plaisir et nous déployer. Si nous tirons le fil de l’élan créateur, nous ne pourrons empêcher les souffrances, les épreuves, les difficultés, mais celles-ci auront soudain moins de prise sur nous parce que nous aurons envie de voir comment continuer à nous déployer. En revanche, si nous perdons le contact avec notre essence créatrice, nous perdons aussi l’envie d’être là. Et la maladie, la dépression peuvent alors s’installer…
Alors, notre valeur ne se mesure pas aux résultats que nous obtenons, mais c’est notre contribution à ce qui nous dépasse qui importe. En ce sens, une mère qui crée une belle relation avec ses enfants, ou un homme et une femme qui cherchent à maintenir une parole authentique dans leur couple participent à une grande création !
Nous ne sommes pas tous président de la République, mais nous avons tous quelque chose à apporter au monde… du moment que nous maintenons allumée la flamme créatrice de notre être.
J’adore ces paroles de sagesse et j’ai savouré chaque mot, chaque phrase, chaque concept tellement ils sont empreints de vérité. C’est pourquoi je ne peux que vous recommander son livre que j’ai dévoré: « Le Meilleur de Soi ».
J’espère que vous en serez vous aussi convaincus ! Pascale Senk